Aïe. Autant le dire tout net, on en a pris une bonne dimanche. Faut dire qu’ils ont fait les choses bien les Brévannais. Déjà en tête (avec une ronde de retard et les mains dans le dos) après 4 rondes dont une où ils étaient exempts (sans marquer de points donc), ils ne sont pas venus en touriste à la capitale. Une fière tribu de gaulois, emmenée par le chef Calistrix chaud comme un bouillon de potion magique. De notre côté, nouvelle compo pour un nouveau match, quelques interversions d’échiquiers pour faire style on a une chance. Sur les 4 premiers échiquiers, ça devrait tenir plus ou moins, il n’y a que moi qui rend 200 points à mon adversaire, pour le reste c’est équilibré. Sur les 4 derniers, comment dire… Vous voyez les grands yeux interloqués du bébé panda roux innocent qui prend conscience qu’il va bientôt finir en manteau chinois ? Ben pareil.
Et pourtant… Prévoyant, le grand sage Ving San nous avait
concocté une petite incantation d’avant match dont il a le secret. De conseils
avisés en impératifs catégoriques subliminaux, il avait su par une lettre
numérique faire lentement monter la pression tout en galvanisant les forces
vives de l’équipe. Ses imprécations démoniaques promettaient une fin
douloureuse pour nos futurs adversaires…
Et en effet, tout démarre plutôt bien. Enfin tout. Sauf Manou
Khan, le cavalier mongol, au 4e échiquier, arrivé dans un état qui ferait
passer notre bon président pour un cocaïnomane épileptique ébloui par un
stroboscope. A peine ai-je le temps de jouer Fg7 dans l’est-indienne qu’il est
déjà pris à la gorge. Pas le temps de dresser sa yourte à deux têtes que son
adversaire joue à 1-2-3 soleil avec son cavalier et parvient à toucher le mur
en d8. Paralysé, notre guerrier tente lentement de s’extirper de cette mélasse,
mais la souffrance s’annonce longue et douloureuse. On connaît l’appétence de
Manou Khan pour les positions consti… resserrées, alors on fera mine que tout
va bien. Lààà… Ça va bien se passer tu
verras… Il nous confiera même qu’il a commencé à se sentir mal au 8e
coup. Déjà quand on enlève d6-Cf6-g6-Fg7-b6-a6-Fb7, il reste un coup. A croire
que les blancs ont joué 2 fois à chaque tour pour attaquer aussi vite. Note
pour plus tard, penser à vérifier ce point…
Pour le reste, chacun ne sort pas trop mal de l’ouverture.
Au 8e, Fleur de lotus
prend rapidement l’initiative et met les blancs sur la défensive. Encore une
préparation impeccable de la touche de grâce de l’équipe, mais la route vers la
victoire s’annonce longue face à une adversaire classée 300 points au-dessus
d’elle et qui vendra chèrement sa peau.
Au 1er et au 2e,
c’est la loose. Il faut dire qu’on s’est préparés pendant 2 semaines pour jouer
le mauvais adversaire. Heureusement, de vieilles prépas nous reviennent en
tête, et permettent à Michael Bonze au 1er et Panda Sournois au 2 de
tenir la dragée haute à nos adversaires.
Seulement voilà, toute préparation a une fin, et pendant que Calistrix
va pousser jusqu’à la dernière ligne d’analyse les connaissances de Mike le
Bonze, mon adversaire va sortir de la grande ligne en premier, me laissant
patauger dans un marécage de variantes toutes plus désagréables les unes que
les autres.
Derrière, Dragon fougueux au 7e
nous gratifie rapidement du premier instant « Côté viande » du match.
Dans une française bien trop ouverte pour être honnête, les blancs attaquent à
tout va et pénètrent dans l’aile dame noire. Beaucoup de matériel échangé, et
la solidité apparente de la position noire fait presque oublier que, tel DSK au
Sofitel, leur roi se balade à poil au beau milieu de l’échiquier. C’est oublier
l’instinct de tueur de Dragon Fougueux, qui dans un accès de rage pousse son
pion en d5, le mettant en prise par 3 pièces en même temps ! Quasiment
contraints de lâcher la grosse, les noirs transposent dans une finale 2T+C
contre D+T qui nous fait espérer un gain rapide de la part de notre serial
buteur.
Pendant ce temps-là au 6e,
notre Samouraï vendeur de tapis réinvente la théorie des ouvertures (paraitrait
que tout ça était préparé…Mmmmm je demande à voir quel obscur GM ouzbek aurait
osé jouer ça) et se développe sur les bonnes cases mais pas avec les bonnes
pièces. Un pion en f6 au lieu d’un cavalier, une tour en b7 au lieu d’un fou,
un cavalier en a6 au lieu d’un pion, un pion en g6 mais sans le fou en g7… Tout
cela aura au moins le mérite de semer le doute chez l’adversaire, et sans qu’on
comprenne trop ce qui se passe, le Samouraï tiendra cette position exotique
avec brio, parvenant (ou subissant, selon que l’on aime à voir le verre de saké
à moitié vide ou à moitié plein) à échanger une tour contre 2 pièces mineures.
Les deux positions restent solides, et on voit mal comment un des deux camps
pourra progresser.
Au 5e, c’est Albanzaï
qui a la lourde tâche de scorer face à un adversaire bien plus costaud. Les
noirs débitent la théorie à vitesse grand V, et rentrent dans un schéma tactique qui n’est pas sans rappeler
une partie mémorable du jeune Fischer dans les locaux du Marshall Chess Club
face à Byrne (http://www.chessbase.com/newsdetail.asp?newsid=7260).
Les noirs sacrifient donc leur dame en échange d’une tripotée de pièces
mineures qui s’agglomèrent au centre de l’échiquier. Sans s’énerver, Albanzaï
engrange le matériel offert et ne tombe pas dans les pièges tendus par son
adversaire. Une fois le zeitnot passé, les noirs ont R+T+F+4 pions contre
R+D+pion, autant dire que l’affaire est loin d’être réglée. A force de patience
et d’échecs répétés, les blancs parviendront à croûter de nombreux pions pour
arriver dans une finale où la forteresse noire ne laissera aucun espoir de gain
pour les deux camps. La partie continuera inexplicablement pendant plusieurs
dizaines de coups, mais sans aucune progression des deux côtés, se terminera au
bout de la nuit par un match nul logique.
Enfin, au 3e c’est Jackusa
qui s’y colle. Il affronte un adversaire au moins aussi réveillé que Manou Khan,
et l’ouest-indienne qui s’ensuit manque de peu d’endormir les deux joueurs. D’ailleurs
pour être sûr de ne pas sombrer, Jackusa jouera de nombreux coups… debout. Après
quelques échanges, une position étrange apparaît, avec 7 pions contre 7, et D+2
T dans les deux camps. Les blancs finissent par grappiller un pion, mais la
position avancée du roi noir semble être à la fois une force et une faiblesse
sans qu’on puisse donner un avis définitif. Faut se méfier quoi…
Bref, à l’approche du zei not,
toujours aucun résultat. Tout s’est un peu dégradé pour chacun, mais personne
n’a abdiqué. Fleur de lotus sera une des premières à succomber à la pression du
temps, qui lui fait progressivement perdre pied dans une position pourtant bien
supérieure. De mon côté, de petits plus en petits plus, mon adversaire resserre
un à un ses doigts autour de mon cou, jusqu’à ce que je daigne lui donner un
pion. Puis deux, puis 3, etc… Je joue jusqu’au 40e pour la forme et
abandonne. Faudra que je songe à pousser f5 dans l’est-indienne. Un concept
intéressant qui m’a été soufflé plus tard. J’attaquerai ce pan de la théorie
après avoir terminé « Comment j’ai progressé en jouant b5 dans le gambit
Benko » et « Osez 1… e6 dans la française ».
Au 7e, l’incroyable se
produit. Dragon fougueux s’assoupit une microseconde durant sa digestion de la
dame adverse, et laisse aux noirs un contre jeu inespéré malgré un roi qui n’en
finit plus de s’aventurer dans la position blanche. Les noirs finiront même par
trouver un perpétuel qui met fin à nos espoirs de marquer le moindre point dans
cette rencontre.
Au 1er échiquier, Michael
Bonze s’est gouré. A peine sorti de sa
prépa, il commet une imprécision et laisse probablement à cet instant s’échapper
l’initiative. Sans doute pensait-il que Calistrix commençait à ranger ses
pièces en replaçant son fou en c8. Faut dire qu’il n’est pas né de la dernière
pluie le chef gaulois. A peine on lui laisse deux pions centraux qu’il se met à
créer des menaces de mat dans tous les sens. A l’approche du zeitnot, et devant
la défense opiniâtre des blancs, Calistrix choisira néanmoins de prendre le
perpétuel. Une nulle de salon de combat, comme dirait l’autre. Enfin… Un MI,
lui, aurait sans doute gagné cette finale… Héhéhé
Derrière, tout s’enchaîne. Ou
plutôt tout déraille. Manou Khan, qui n’a toujours pas développé son aile
dame, chatouille l’aile roi blanche,
mais sa tour seule ne fera pas le poids face aux forces blanches. Le roi noir
finit par se faire extraire de son terrier et clouer au pilori par un vil poney
des steppes. Ça fait déjà 3-0 pour les irréductibles brévannais, mais il reste
encore quelques parties. Plus pour très longtemps, car Jackusa a inexplicablement
fini par se retrouver mal et malgré plusieurs astuces dont notre champion a le
secret, la promotion blanche ne suffira pas pour obtenir le demi-point du match
nul. Le match est déjà perdu, et l’adversaire du Samouraï consent à son tour la
nulle.
Au final, une défaite 4-0, pas
déconnante au regard des forces en présence, mais dure à avaler quand même. On
aurait souhaité plus de réussite pour Fleur de Lotus qui méritait de continuer
sur sa belle lancée de nulles, et qui aurait couronné la défense héroïque de la
2e moitié de tableau, qui aura largement fait le boulot en ne
s’inclinant que 1,5/2,5. Tout ça n’a pas empêché la fine équipe d’arroser cette
défaite comme il se doit, avec force Picon, notre hydromel à nous. Certains
pousseront la soirée jusqu’à 2h, arrosant de champagne des toasts de Petits
écoliers au Morbier. Parce qu’on a du goût, nous, au Canal.
Bonnes fêtes à tous, rendez-vous
en 2013 !
4 commentaires :
Marc, ton inspitation littéraire pourrait-elle'de temps à autre s'inspirer de Sartre, Shakespeare ou même Gérard de Villiers ?! Car Astérix deux fois d'affilée c'est fastoche..........
Asterix pour cette fois-ci etait plus ou moins imposé pour nos adversaires (vous noterez que pour nous il a changé), puisque Calistrix avait deja son surnom avant que je m'inscrive au Canal et souhaitait le garder pour le CR. Je vous laisse, cher anonyme, le soin de pondre un CR amusant autour du theme de l'existentialisme ou d'un doge amoureux, et vous souhaite bon courage.
Tu sais qui je suis puisque j'étais présent Marco !
Très bon ! ... Comme toujours !
Enregistrer un commentaire