30/01/2013

Canal plus Sport


En direct du multiplex Canal Saint Martin, je vous retrouve pour une longue après-midi de sport. Avec pas moins de 4 équipes canalistes engagées + les supporters (soit 70 à 80 personnes aux heures de pointe), c’est une véritable orgie échiquéenne qui s’annonce dans le 12e, où pratiquement tout le club s’est réuni. L’équipe 1 joue contre Orléans, candidat sérieux mais non consentant à la descente cette année, et qui aligne pour l’occasion une équipe finalement pas si différente de la nôtre bien que nous partions favoris. Seuls les deux derniers échiquiers sont vraiment déséquilibrés, ce qui met direct la pression sur nos jeunes talents, Pilou et Marianne, pour scorer. La moitié de l’équipe 2 joue dans notre salle, l’autre moitié étant placée dans la salle attenante avec l’équipe 3 du Canal. L’équipe 4 ne participera que sporadiquement à la fête, hélas contrainte de combattre au sous-sol.
Bébé Woody est en grande forme, et accueille chaleureusement tous les participants. Pour ma part, je découvre, en arrivant à l’heure pour la première fois depuis… Depuis… Eh bien pour la première fois tout court tiens, je découvre donc, disais-je, que toutes les (32) tables sont mises, les pendules réglées, que l’alcool coule déjà à flots (dans les gobelets des observateurs uniquement, hein), et que les feuilles de match sont pré-remplies même si notre capitaine arrive tout juste. Ça c’est de l’organisation, ça c’est de la passion, ça c’est notre président. Merci à toi Bébé Woody :).
Au début de la ronde, nous ne faisons donc pas les fiers dans la poule Nord-Ouest, et nos adversaires du jour non plus. C’est donc un combat à mort qui nous attend, entre deux équipes qui savent que chaque point les éloigne un peu plus des portes de l’enfer… Allez hop, les noirs appuient. Dès les premiers coups les parties prennent des chemins très (parfois trop) divers, et sortent rapidement des sentiers battus. A vrai dire, une fois n’est pas coutume, je dois bien être le seul à avoir une ouverture encore répertoriée à l’orée du 10e coup. Ce dimanche 27 voyez-vous, c’est donc  ambiance Canal Underground. Get the full point, or die tryin’… Et dans cette lutte acharnée pour sauver notre âme, il ne fallait pas moins qu’une équipe de héros. Que dis-je, une équipe de superhéros… C’est maintenant l’heure du CR aux superpouvoirs…


Comment commencer autrement que par la partie de MikaThor. Force brute, mental d’acier, et une ouverture fétiche en guise de marteau. Une fois encore, une démonstration du roc de l’équipe. Imaginez la scène. Vous avez les blancs, vous êtes d’humeur pacifique et vous ne voulez pas trop vous découvrir. d4, Cf3, b3… Vous aimeriez bien ne pas avoir à jouer vos pièces tant leur position initiale vous semble optimale, esthétiquement parfaite. Vous l’auriez bien encore contemplé quelques coups, cette joyeuse armée qui ne demande qu’à s’épanouir sur deux rangées. Mais en face, votre adversaire vous veut du mal. Beaucoup de mal. En 4 coups (véridique !), les noirs passent à l’attaque frontale. Même Apple n’a encore jamais mis au point un truc aussi efficace. Surpris par tant de haine, assiégés par un fou et un valeureux poney, les blancs paniquent immédiatement et dispersent leur troupeau aux quatre vents en h4 et a3. *Target acquired*. Ne perdant pas de vue son objectif, Mikathor envoie les missiles. g5, g*h4, h*g3 BOOM ! La bête est chancelante. Assoiffés de sang, les noirs ne prêtent nullement attention aux velléités défensives des blancs. c3 attaque le Cb4. Quoi ? Tu m’attaques mon poney ? BEN VAS-Y, MANGE-LE SI T’ES UN HOMME ! Même pas cap. La guerre psychologique n’impressionne pas un homme comme Mikathor qui ne connaît pas la peur mais sait la lire dans le regard de son adversaire, la sentir dans un geste peu assuré. Pantelants, les blancs tentent de se regrouper. Ils titubent, sonnés par les coups de massue, développent une pièce… mais pas deux. Alors que le fou noir se poste en d6, préparant l’assaut final, les blancs défendent leur pion en g3 par Th3. Erreur, une pièce seule ne peut  contenir la fougue scandinave. F*g3 quand même, BOOM ! Ne s’apercevant que trop tard qu’un T*g3 ne ferait qu’augmenter leur souffrance, les blancs abdiquent. 16 coups d’une précision chirurgicale, et d’une détermination sans faille. Mais les blancs sont heureux. Enfin, ils peuvent ranger leur armée, et retrouver la paix intérieure…



A ma gauche se déroulait un tout autre combat. Flashtahl, le super-héros d’Alsace, ne compte pas en rester là. Il n’est pas né celui qui terminera une partie plus vite que lui. Mais comment faire ? Alors qu’au 2e échiquier Mikathor matraque son adversaire, que faire pour achever sa partie encore plus vite ? Une seule solution, le mat aidé. Si ton adversaire ne peut mater par ses propres moyens, quelques coups de pouce du destin devraient suffire. 1/ Commencer par une ouverture un peu unsound ne peut qu’apporter des ennuis et mettre l’adversaire en confiance, faisant d’une pierre deux coups. Les noirs se retrouvent donc rapidement dans une position étriquée ou la faille tactique sera facile à créer. 2/ Ne pouvant donner la dame en un coup sans éveiller les soupçons, passer en mode étourderie. D*b7 et la tour a8 se sent bien seule. 3/ Faire croire à tout le monde qu’on ne l’avait pas vu, qu’on ne se souvenait plus que la dame pouvait bouger de plusieurs cases à la fois, ou que l’adversaire ne vous a pas laissé reprendre votre dernier coup et que vraiment c’est pas cool. A ce moment-là, vous avez déjà bien sabordé votre partie, mais vous sentez que l’adversaire de Mikathor n’en a plus pour longtemps avant de capituler. Du coup, il ne reste plus qu’une solution, celle de la dernière chance. 4/ Le tout pour le tout. Le n’importe quoi. Dans une position déjà évaluée à -23.4 (ou éventuellement #16) par Houdini, faire mine de croire que votre adversaire est une buse et vous donne sa dame en deux coups, afin de jouer l’étonnement lorsqu’au 15e coup il annonce 15.Cg5 mat ! Alors bravo. Bravo Flashtahl, pour cette performance. Certes on commence à avoir l’habitude des parties qui finissent en moins de 16 coups au Canal, mais là pour le mat à l’étouffée avec pratiquement toutes les pièces sur l’échiquier, je dis chapeau l’artiste !




Déjà passé par toutes les couleurs entre le froid réalisme de la partie de Mikathor et le surréalisme de la partie de Flashtahl, Captain Vince America commence alors à compter les points et à évaluer les parties de chacun. Et au bout d’une heure, ça se présente plutôt bien.



Au premier échiquier, Iron Manouk affronte le champion adverse. Il a pour mission de contenir l’est-indienne adverse et se débrouille bien. Dans une configuration légèrement différente de d’habitude, il grignote peu à peu les cases noires de l’aile dame. Il se permet même quelques pirouettes dont un g4 qui semble sorti de nulle part, mais finit par totalement désorganiser la position noire. Afin de ne pas perdre une qualité, son adversaire accepte de détériorer sa structure. Chacun a des faiblesses, mais on sait que Manouk aime ces positions avec un petit avantage. On est confiants pour lui.


Au 3e, BatMarc, le justicier de la théorie, joue une ouverture assez classique, mais se fait surprendre par un coup… Tout à fait classique. Perturbé de ne pas l’avoir envisagé à ce moment de la partie, il réfléchit donc 40min pour… faire le bon choix, mais persuadé d’avoir alors dégradé sa position… Alors qu’en fait pas du tout. Quelques coups plus tard, sur une imprécision noire, il prendra même un bel avantage, bien que l’équilibre matériel reste intact. Captain Vince America est confiant là aussi, tout va bien. 


Au 5e échiquier, c’est notre joueur le plus undergound qui opère. Lorenzo LaMax, le Rebelle de l’équipe, ne fait rien comme tout le monde. Nonobstant son appétence pour les ouvertures décalées, il parvient par son développement atypique à obtenir une belle initiative. On retiendra notamment  l’idée singulière de venir défendre le pion d4 par la manœuvre h4-Th3-Td3 et le choix de ne pas roquer pour envoyer la sauce sur le 0-0-0 noir. Un sacrifice de pion sur la colonne b plus tard et voilà les blancs sur orbite, le Ca8 faisant pâle figure face aux pièces lourdes pointées sur le monarque. Un point facile, pense-t-on alors naïvement.



Dans toute équipe de super-héros, il faut un anti-héros. Un spiderman avant la morsure d’araignée, un Bruce Banner avant la découverte des rayons gamma. Au 6e échiquier, je vous présente donc Albanderrick, qui aura presque assoupi l’assistance pendant sa partie, n’eut été l’importance capitale de son issue. Car en effet, qu’il fut dur de s’emballer pour ce spectacle. Une ouverture symétrique, un matériel symétrique, un timing symétrique, et même une coiffure symétrique… On aurait dit Tom Hanks jouant contre la table de ping pong dans Forest Gump. Un jeu en parfait miroir. Suivant son bonhomme de chemin, l’inspecteur continuera pourtant de chercher la faille, tentant de rompre la monotonie de la partition. Il y parviendra bien malgré lui, perdant par je ne sais quel miracle le fil du jeu et se retrouvant en finale avec une qualité de moins pour un pion. Mais s’il y a une qualité qu’il faut reconnaître à l’inspecteur Albanderrick, c’est son opiniâtreté. Fidèle à lui-même, et grâce à un traitement dynamique tout en contrôle de cette finale mal embarquée, il parviendra à tirer le demi-point à son adversaire qui aurait quand même pu pousser le bouchon un peu plus loin. Sans doute aura-t-il été quelque peu hypnotisé par la cadence métronomique de notre anti-héros. Sans surprise, comme le dénouement d’un épisode de la série éponyme, match nul, donc.



Au 7e échiquier, Brollverine doit gagner. Il le sait, il le sent, mais la pression, pour autant qu’elle ne soit pas assortie d’un Picon, n’a pas d’emprise sur lui. Dès l’entame, il sort donc ses griffes. Une en b4, une en d4, et voilà les noirs pris dans un étau à l’aile dame. Ils ont eu une chance de sortir leurs pièces, ils n’en auront pas deux. Une fois le sort de l’aile ouest réglé, les blancs s’attaquent au cœur de la meule. Les poneys redéployés vers le petit roque, et les fous braqués vers h6 et h7. A la moindre occasion, les blancs sont prêts à déchirer la carcasse noire. On est confiants pour Brollverine, qui réchauffé par sa folle soirée de la veille fait admirer son pelage avec sa chemise ouverte jusqu’au nombril. Son côté Beigbeder me glissera Captain Vince America… Qu’importe, je ne sais pas comment tout ça s’est terminé, toujours est-il qu’après l’affaiblissement du roque noir ceux-ci n’ont pas fait un pli et ça fait 2-1 pour nous.


Au 8e, WonderMarianne s’inspire un peu trop d’Albanderrick et symétrise la position. Face à une adversaire moins expérimentée, on lui fait néanmoins confiance pour concrétiser dans le money-time.  Un pseudo sacrifice et puis s’en va, elle transpose en finale avec un puis deux pions d’avance et fait tranquillement ployer son adversaire. Une victoire au métier, une victoire propre, WonderMarianne a répondu présent, comme toujours.
Si vous avez bien compté, ça fait donc maintenant 3-1 pour le Canal. Iron Manouk s’enquiert alors du score auprès de Captain Vince America, qui ne sait plus où il en est. Trop d’émotions. Trop d’incompréhension face à une armée dont il ne soupçonnait pas jusqu’alors la noirceur d’esprit. Il ne reste plus que la partie de Lorenzo Lamax, BatMarc et Iron Manouk.
Alors qu’il avait la partie bien en main, le Rebelle décide qu’il n’est pas question de l’emporter sous prétexte qu’il a une position écrasante. Il sacrifie donc une pièce puis une qualité (ce qui en langage mathématique égale une tour nette), et détruit toute trace d’avantage. Il poussera la rébellion jusqu’à perdre cette partie, au bonheur de son adversaire qui a prié pour la nulle pendant presque toute la partie.
On est donc à 3-2, et nous avons une bonne position sur les deux dernières parties en cours au 1 et au 3.
Après un zeitnot d’une quinzaine de coups, BatMarc finit par transposer dans une finale qu’il pense gagnante au lieu de gagner un petit pion dans les complications avec une fin de partie plus facile. Hélas, malgré un pion passé pour les blancs et un pion doublé pour les noirs, la position n’offre aucune possibilité de percer. Les noirs, qui doivent l’emporter, ne peuvent qu’espérer que les blancs forceront le gain, ce que BatMarc se gardera bien de faire.

Iron Manouk, de son côté, a réussi à tirer la substantifique moelle d’une finale qui ne semblait pas folichonne avec une seule colonne ouverte et de plus contrôlée par les noirs. Il joue une finale T+pions contre T+pions avec un pion de plus, et n’a pour seule consigne que de ne pas laisser échapper la nulle. Après une transposition dans une position T+pion h+pion f contre T+ pion h, il tentera de pousser son adversaire à la faute, mais pas très longtemps. Nulle.
Canal 1 remporte donc son match 3-2, et pointe désormais à la 4e place de la poule. Une place plus que bancale, d’une part car nous serons exempts lors d’un match à venir, d’autre part car les poursuivants nous collent au train. Mais ne boudons pas notre plaisir, on a gagné, et c’est bien l’essentiel.

De son côté Canal 2 s’est fait surprendre par Bagneux, dure défaite dans un match pourtant équilibré sur papier. Sur les premières tables, la créativité des canalistes n’a pas été récompensée. Canal 3 s’est en revanche imposée, tout comme Canal 4. On félicite Petitjean au passage, qui signe une belle nulle contre un 1750, et qui peut-être un jour rejoindra la ligue des justiciers canalistes…
Rendez-vous dans deux semaines, et d’ici là, surtout… Soyez bons.


Le Girondin

2 commentaires :

Tristan a dit…

Une fois de plus je me délecte du compte rendu d'après match du Canal. Quel plaisir !
L'analyse de la partie de Michael est très intéressante. Son pauvre adversaire s'est tout simplement fait désintégré !
A+ Tristan ;)

Anonyme a dit…

Hum.
Je ne comprends pas bien "coiffure symétrique"...

un innocent passant