"Rethymno 2012"
10 juillet 2012
Blancs : Serntedakis
Noirs : Marc Le Huec
1. e4 c5 2. Nc3 Nc6 3. Bb5 Nd4 4. Bc4 e6
5. Nge2 Nf6 6. O-O a6 7. d3 b5 8. Bb3 Nxb3 9. axb3 Bb7 10. f4 d5 11. e5 d4 12.
exf6 dxc3 13. f5 Qxf6 14. fxe6 cxb2 15. exf7+ Kd7 16. Bxb2 Qxb2 17. c3 g5 18.
Rb1 Qa2 19. Ra1 Qb2 20. Rb1 1/2-1/2
Salut bébé !!!
Nous te rapportons quelques nouvelles du front crétois où
les canalistes sont à l'honneur, sous des fortunes diverses et
d'ivresse...
La moitié du tournoi a été dépassée hier et il est temps pour un premier
debriefing de la situation. A 5 rondes, le redoutable, Inna et le
girondin sont en rangs serrés à 3 points, suivant de près Alberto qui
prend soin de ne pas nous larguer loin derrière avec ses 3,5 points.
Et ces points perdus, contre qui les ont-ils été ? Contre des petits
enfants grecs... Il semble régner un micro-climat non seulement
atmosphérique mais également échiquéen dans cette ville magnifique.
Classés pour la plupart entre 1400 et 1950, ils font systématiquement
des performances en pagaille contre les tendres 2000-2300 venus de
l'ouest.
Juge-donc un peu :
- ronde 1, je prépare pour ce tournoi une variante aiguë et très
peu étudiée dans la littérature sur le dragon. Mon adversaire, du haut
de ses 10 ans, de son mètre 20 et de ses 1400 Elo, me débite une
vingtaine de coups de théorie pour aboutir dans une position très
tendue. Au bout de 2h environ, et accusant moi-même un retard à la
pendule, je commence à sentir la fatigue poindre sur le visage de mon
vaillant adversaire (il faut bien que la force de l'âge serve à quelque
chose). Je me résous alors à une combinette me laissant avec la dame et 2
pions contre les deux tours blanches.
Et là, patatras, mon adversaire
inverse 2 coups et se fait planter un mat en 2. Un finish presque
frustrant, mais je fus bien heureux qu'il s'achève ainsi !
- ronde 2, Vince le redoutable affronte un enfant d'une douzaine
d'années, classé 1800. Nous regardons brièvement sur le site de la Fide
sa progression, et là stupeur, malgré ses 1800 il accroche régulièrement
des 2200 ! Le redoutable choisit une variante calme de la scandinave
afin de faire parler l'expérience. Mal lui en a pris, son adversaire
exploite les petites imprécisions blanches et convertit en un point
entier !
Inna et Alberto nous rejoignent le soir tout sourire, heureux
de constater qu'ils n'auront pas été les seuls à subir la loi de
l'enfant grec ! En effet, leur premier conseil en apprenant que nous
ferions le tournoi avait été de nous dire de nous méfier des petits
grecs, connus pour être notoirement sous-classés !
- ronde 4, j'affronte l'adversaire qu'Alberto avait battu lors de
la ronde 1. Il joue en moins de 12 ans, est classé 1965, et fait
régulièrement de très bonnes perfs. Pire, sa position a été évaluée par
moments à +3 face à Alberto ! Celui-ci m'avait donc dit de m'en méfier
plus que tout. J'ai les blancs, il répond à mon d4 par une Benoni.
J'améliore progressivement ma position jusqu'à gagner un pion. C'est
alors que le temps s'en mêle et m'emmêle, et me voilà à jouer une petite
imprécision immédiatement exploitée par mon adversaire. Avec une
poignée de minutes à la pendule, il sacrifie un 2e pion et trouve un
joli perpétuel. Nulle.
Lors de cette ronde, Vincent "triture" un enfant à 1477 Elo pendant
4h avant que celui-ci ne daigne le laisser entrer dans sa position
solide comme un roc. 1-0.
- ronde 5. L'incroyable se produit. Nous croyions avoir tout vu
avec ses terreurs en culotte courte. Erreur. Ne jamais les sous-estimer.
J'apprends comme d'habitude la veille du match le nom de mon
adversaire. Je vois qu'il joue l'attaque Tiviakov sur la sicilienne et
prépare des variantes très aiguës durant tout l'après-midi. Je me dis
qu'au final, si ça ne me sert pas cette fois, cela restera bénéfique.
Après tout, mes préparations pour les parties précédentes n'avaient
servi à rien, tombant à l'eau au 2 ou 3e coup. Voire au premier... Bref,
c'est serein et reposé que j'attaque cette partie.
Mon adversaire a de
nouveau un passif d'annulateur face aux 2200, mais qu'à cela ne tienne,
je crois dur comme fer à ma préparation, qui va parfois jusqu'au mat, ou
jusqu'à la nulle. Car en effet j'ai les noirs, et sur un jeu parfait
des blancs il est dur d'obtenir plus que la nulle. Mon adversaire étant
1900, je me dis qu'il y a peu de chance qu'il connaisse des variantes
d'ordinateur jusqu'au 20e coup. Erreur. Ne jamais les sous-estimer vous
a-t-on dit.
La partie débute. On joue rapidement les 5-6 premiers coups.
Ma pendule remonte le temps, les coups sont joués très vite. Mon
adversaire prend parfois quelques minutes pour jouer, les yeux perdus
dans le vague. Il rentre dans la variante la plus aigue. Qu'à cela ne
tienne, je rentre fièrement dans une variante de furieux, déroquant mon
roi, sacrifiant ma dame, jouant des coups improbables (g5 !). Mon
adversaire reste impassible. Rien n'y fera, ni les aller-retours
fréquents d'Alberto sur cette partie folle, ni les yeux des 2 tables
voisines rivées sur notre échiquier.
Il me reste 1h34 (pour 1h30 au
début de la partie), et 1h20 à mon adversaire lorsqu'il rentre dans la
variante de nulle citée plus haut. Le perpétuel est inévitable pour les
noirs malgré leur pièce en plus. Nous sommes tous les deux hagards face à
ce débit de théorie et d'analyses cybernétiques. Il ne comprend pas,
répète les coups et me regarde, interloqué. Nulle.
J'ai 300 points élos
de plus que lui, il me reproduit par coeur une partie de Petrossian (le
jeune !), et malgré l'amélioration trouvée par les noirs, rentre dans
les meilleures variantes. Il m'avouera à l'analyse qu'il avait étudié
cette variante il y a 2 ans, et que c'est la raison pour laquelle il a
mis 20 min de plus que moi à jouer. Quel âge et quel classement avait-il à
l'époque, je préfère ne pas le savoir...
C'est toutefois avec le
sourire que nous avons analysé ! J'ai ensuite appris que son entraîneur
était Kostas, qui n'est autre qu'un des organisateurs du tournoi et très
bon ami d'Alberto avec qui nous avions pris un verre le premier soir !
- La ronde 6 sera celle malheureusement de la lutte fratricide...
Le girondin et le redoutable croisent le fer à la table 26. Cette belle
amitié qui nous a conduit à ce tournoi loin de nos terres sera-t-elle
entamée par ce duel qui s'annonce épique ? Les pièces vont-elles
virevolter ou la partie s'achever rapidement ? Seul l'avenir le dira
tant ces deux-là sont imprévisibles...
Marc le Girondin