21/10/2013

Le Collector vous narre la ronde 1

Paris. Le soleil brille presque en ce dimanche 13 octobre. Il est 11h15, tout le monde est à l’heure. Fier comme s’il avait obtenu le titre de Marshall, le capitaine ouvre la marche au volant de sa Vincemobile flambant neuve. Avec le renfort de Thibaud (alias Gammon) et de Bruno (alias El Solapado, « le sournois »), l’équipe 1 n’a pas à rougir de sa composition pour démarrer la saison. Nous partons donc le moral gonflé à bloc vers les terres hostiles du nord, où 1000 dangers nous guettent. D’ailleurs, à peine la frontière du 62 passée, le déluge s’abat sur nous. La route est liquide, les murs sont gris, les volets fermés, pas de doute nous sommes sur le bon chemin. Nous nous arrêtons en « centre-ville » d’Hénin. Entre kebab et dwich au thon, l’équipe se restaure et parvient tant bien que mal à la salle de jeu. Tout est prêt, et le CAFE EST GRATUIT, MERCI. On s’installe, chacun à sa place. Tout se déroule bien, mis à part mon adversaire qui n’écrit pas mon nom mais celui du prince Manouk sur sa feuille de match. Je le contrains avec aplomb de raturer sa feuille, avant de m’apercevoir qu’il ne s’était pas trompé… Je joue table 2 comme indiqué dans le mail du capitaine et non table 3, ce qui met donc instantanément 2 semaines de préparation à l’eau.
Et maintenant Plaaaaaaaaaaaace au jeu ! Et au coup d’envoi, le match s’annonce serré. Enfin serré tendance on-pourrait-prendre-cher si ça se goupille mal.
Au premier, Mike a hérité d’un gros tirage avec Petitcunot, un joueur à plus de 2400. Rapidement, les deux joueurs annoncent la couleur. Roque opposé dans la sicilienne, on s'ennuie rarement. Les blancs massent leurs pièces au centre, ce qui ne semble pas perturber notre champion, qui tel un requin en extase devant un ban de surfeurs de la Réunion, traque immédiatement sa proie et transfère la totalité de ses pièces vers le roi adverse. « Target acquired ». Une chose est sûre, ça va péter. Et il ne vaudra mieux pas être dans les parages au moment du feu d'artifice.
Au second, je joue un des 2200 adverse. Blasé par les éléments précités, je décide de rentrer dans ma prépa avec les couleurs inversées. Oui, vous l'avez compris, j'aurais préféré être à la place de mon adversaire dans cette partie. Aucune autre logique que celle de la frustration et du pétage de plomb. J'obtiens une position intéressante, mais qui risque de basculer rapidement si je ne joue pas des coups d'attaque précis. Comme à la table 1, les noirs massent leurs pièces sur mon roi, tandis que j'entame un ballet artistique sur la colonne a qui n'aura que le mérite d'affaiblir légèrement un coin de l'échiquier où il n'y a rien à manger...
Au troisième, le prince Manouk est venu nous prêter main forte, et pour une fois il nous gratifie d'une ouverture dynamique !!! Non j'plaisante. Ceux qui y ont cru prennent la porte merci. Mais je suis dur. Évoluant pourtant avec les noirs, ce ne sont pas 1 mais bien 2 PIONS qu'il place d'entrée de jeu sur la 5e rangée. Comme pour montrer à son adversaire qu'il ne compte pas faire de la figuration pour ce match d'ouverture. Dans ce duel de gentlemen, les blancs ont bien compris à qui ils ont à faire, et n'attaquent pas frontalement pour ne pas froisser la partie adverse. Ils passent tranquillement par l'aile dame, et laissent le centre aux noirs. Alors, pour ne pas gâcher tout cet espace dont il est généralement privé pendant ses parties, Manouk entreprend d'ouvrir la position, mais cela coûte au suisse un affaiblissement très désagréable sur les cases noires. Heureusement, alors que les faiblesses noires commençaient à se faire ressentir, l'adversaire de Manouk répète une fois, puis deux fois la position. N'écoutant que son courage et sa détermination, le guerrier hélvète enterre immédiatement la hache de guerre d'une main et tend l'autre vers son adversaire. Une bonne nulle entre deux joueurs de force équivalente, qui ne ne permet absolument pas d'y voir plus clair dans ce match.
Au 4e, la lame alsacienne est arrivée très affûtée. Adepte des ouvertures tranchantes, elle opte étonnamment pour un début très rampant. Limite gluant. Voire pire, symétrique. Alors que les noirs résolvaient tranquillement leurs problèmes d'ouverture en entamant un choc de simplification au centre de l'échiquier, ils échangent inexplicablement leur fou noir. Il n'en faut pas plus à la lame pour lancer les hostilités. Dans une position toujours symétrique tout en étant déséquilibrée, les blancs forcent les noirs à s'affaiblir un peu plus à chaque coup afin de ne pas se faire mater. Les noirs sont au bord de la rupture, et l'absence du Fg7 sera rapidement fatale. Le Stahl nous ramène un gros point qui fait du bien, et s'octroie sa première belle perf de la saison.
Au 5e, c'est la deuxième phalange de la charnière alsacienne qui est à la baguette. Gammon est heureux d'être là et ça se sent, il envoie du beau jeu le gosse. Une trompovsky qui se transforme rapidement en Benko, et les noirs qui semblent totalement phagocyter le centre blanc en l'assaillant de toutes parts. Tel un véritable joueur de go, Gammon encercle l'armée blanche et récolte patiemment les petits pions adverses. La qualité donnée ne sera que temporaire, et après un tour de passe-passe qu'aucun des deux joueurs n'a vraiment compris, les noirs transposent dans une finale totalement gagnante avec F+C contre tour. Un point facile, se dit-on alors...
Au 6e, c'est El Salapado, notre 2e recrue de la saison qui est à la manœuvre. Ne vous y trompez pas. Sous ses airs d'ours bourru se cache un redoutable guerrier qui sait faire fructifier les petits avantages. Il aime d'ailleurs faire durer ses victoires, laissant suffisamment de jeu à ses adversaires pour maintenir leur instinct de survie intact. Et c'est la que le plaisir commence pour lui. Pour ce premier match sous ses nouvelles couleurs, une ouverture « tricky tricky » lui permet de prendre rapidement l'ascendant, mais son adversaire, coriace, tient bon la barre dans la tempête. Qu'importe, El Salapado est dans son élément. Il tisse lentement sa toile, imperturbable, et l'on sent poindre un regard malicieux sur son visage. Il sait que le piège est tendu et qu'il se referme lentement, et attend patiemment le moment où son adversaire écarquillera les yeux de terreur alors qu'il sera déjà trop tard...
Cap'tain Vince est au 7e, fidèle à son choix de couleur fétiche. Partagé entre ses schémas de jeux favoris et son désir de victoire (l'un étant, vous l'aurez compris, incompatible avec l'autre), il se fait violence et opte pour un fianchetto. Quelques imprécisions plus tard, le voilà au bord de la rupture, mais sa rage de vaincre est intacte. Il se souvient alors de toutes les poubelles qu'il a sauvées au cours de sa carrière échiquéenne et se dit qu'après tout, sa position actuelle n'est pas si grave que ça. Il reprend du poil de la bête, et fait douter son adversaire. Celui-ci propose alors un judicieux échange de sa paire de fous contre une tour en a8, ce que le capitaine s'empresse d'accepter. Après avoir laissé passer l'orage (à vrai dire il faudrait plutôt parler d'ondée), Vince digère l'avantage des 2 fous pour la tour et prend son temps pour concrétiser. Il met en place la fameuse stratégie alsacienne de l'attaque a-h, en ouvrant successivement les colonnes extrêmes de l'échiquier. C'en est trop pour son adversaire, qui à force de contrôler ces attaques latérales finit par se faire transpercer par une attaque de front. Une victoire nette et sans bavure du capitaine, qui donne l'exemple dans ce match, et rassure l'équipe.
Enfin au 8e, c'est Nahid qui nous prête main forte pour ce début de saison. Elle affronte une adversaire à sa portée, dans un gambit dame rondement mené dans l'ouverture. Une fois l'initiative blanche estompée, on sent néanmoins que l'absence de plan la fait tergiverser, et elle finit par tenter un passage en force au centre de l'échiquier. Embrouillée dans les complications à l'approche du zeit not, la voici contrainte d'abandonner un poney au bord de la route. C'est alors que la partie rentre dans une phase baroque, étrange, quasi-mystique... Une finale qui restera dans les mémoires. Alors que son adversaire joue avec 2 poney contre 1, elle décide d'en sacrifier un pour aller à dame. Nahid sent l'entourloupe, et croûte l'équidé adverse sans coup férir. Raté. Troublée par le froid réalisme iranien, l'adversaire de Nahid décide alors de sacrifier un SECOND PONEY ! Repue de son repas et satisfaite de son égalisation matérielle, notre joueuse décide alors, dans sa grande mansuétude, de laisser la vie au pauvre poney sacrifié. Elle gagnera sans, se dit-elle. Et la finale de continuer, à cavalier pions contre cavalier pions, mais avec un pion a passé éloigné très dangereux pour Nahid.
Après les victoires rapides de Vince et Stahl, je suis parmi les premiers à terminer. Hélas ma partie s'achève par un abandon. Après avoir bien défendu, je finis par bouletter à 3 coups de l'ajout de temps, et mon adversaire remporte une victoire bien méritée. Une partie à oublier pour ma part.
En revanche, au premier échiquier, Mike fait des étincelles et met le feu à l'échiquier. Il « sacrifie » un pion à l'aile dame (mince, obligé d'ouvrir des lignes sur le roi adverse, c'est balot), et alors que le matériel est égal, on se demande comment les blancs peuvent survivre. Mike a tout simplement 7 pièces qui attaquent le roi blanc, alors que les blancs n'ont pas esquissé le moindre coup d'attaque. Il commence par faire pénétrer sa tour au fond de la colonne a, puis introduit le fou en a2. Cela commence à se comprimer sur une 1e rangée au bord de l'implosion, et après un joli F*e5, imprenable par la dame blanche pour cause de Cd3+ ! La position blanche vole en éclat. Mike rajoute une dame dans la bataille et finit par percer en b1. Le roi blanc est totalement dénudé, et l'armée adverse capitule. Une victoire flamboyante de notre champion, dans son style si particulier et diablement efficace.
A l'approche du contrôle de temps, Gammon a une position devenue écrasante. Au 40e coup, son adversaire attaque un pion, et les noirs n'ont qu'à le défendre avant de profiter de l'ajout de temps pour faire le point. Las, au lieu de défendre simplement son pion, Gammon finasse et joue l'échec intermédiaire. Grossière erreur qui lui fera perdre un pion et une grande partie de son avantage écrasant. De complètement gagnant, le voilà passé à un peu mieux. Une fois le choc encaissé, il tentera vainement de progresser mais finira par se résoudre au partage du point, scellant pratiquement le score du match en notre faveur.
A ce moment du match, il reste la partie de Nahid et celle de Bruno. Nous menons 3-1, et si Nahid peut éventuellement perdre, on voit mal comment Bruno pourrait laisser échapper sa proie. Nahid choisit pourtant de jouer avec nos nerfs. Dans une finale objectivement devenue égale, les deux joueuses devant théoriquement répéter la position, elle se trompe et laisse son adversaire sacrifier (pour la 3e fois dans la partie) un poney sur un de ses pions ! On se retrouve alors dans une finale cavalier contre 2 pions, avec de nombreuses possibilité de nulles assez cocasses mais peu évidentes pour un œil non expert. Nahid ne trouvera pas les ressources tactiques qui lui auraient permis de résister, et se retrouve contrainte de laisser un des pions aller à la promotion. Ironie du sort, alors que son adversaire aura sacrifié par 3 fois ses poneys pendant la partie, c'est la seule pièce qui restera à Nahid au moment où elle abandonne...
Et devinez qui clôturera cette ronde ? El Salapado bien sûr ! Après avoir brillamment transposé en finale, puis échangé les dames, le voici dans une position avec fou et 3 Pions contre cavalier et un pion. Théoriquement, il peut encore la perdre, mais il faudrait être plus que coopératif. Fidèle à sa réputation, il choisira la route la plus longue pour achever son adversaire, qui aura cru jusqu'au bout à un sauvetage inespéré. Le cavalier noir est acculé en d8, et le fou blanc bloque progressivement toutes ses cases de sorties. Alors qu'il est sur le point de plier l'affaire, et que les noirs ont déjà la tête inclinée, prêts à recevoir l'estocade, El Salapado esquisse son large sourire carnassier et fixe intensément son adversaire dans les yeux en poussant son pion en c6. La boîte est refermée, le poney noir ne ressortira plus. Les blancs ont gagné.
Pas le temps d'analyser, la route est encore longue, et on s'enfuit à peine la feuille de match signée. Une très belle victoire face à une des équipes favorites de la poule, qui nous met en confiance pour le reste de la saison. Nos futurs adversaires sont avertis...

Le Collector

3 commentaires :

Nahid a dit…

Ah mon capitaine, que je suis triste :-( encore et encore à chaque fois que je visualise le moment que je n'ai pas pris ce cavalier qui s'est échangé contre mon pion qui allait à la dame!!
Mais bon j'ai appris maintenant comment j'aurai dû annuler la partie. Merci pour votre patience à tous.

Anonyme a dit…

Y'a pas 2 diagrammes dans cette histoire ?! C dommage car par moment on comprend rien à ce déballage limite malsain de pensées intimes.....

Sergio a dit…

On veut voir la partie de Michaël! ou au moins 1 ou 2 diagrammes...