Le Collector s'envole dans dix minutes pour... Moscou.
Avant de partir, il a tenu à vous faire son cadeau de Noël : son fameux compte-rendu.
à noter : il a blitzé hier soir au Café de l'Est Parisien avec Mikhaïl Strovsky le Moscovite, qui enchaînera par le 148e du Café de l'Est et le 121e du 608, avant de représenter son nouveau pays aux Olympiades : le Togo !!!
Oh, Oh, Oh… Il est beau, il est doux et il sent bon le vin chaud… Le CR de Noël est arrivé. Il était une fois, dans une de nos charmantes villes de banlieue parisienne, niché au cœur d’une forêt de barres d’immeubles verdoyante et bercé par le sifflement des guetteurs et le ronronnement enivrant du RER A, le club de Noisy-Le-Grand. Pas de déguisement de lutin ou de père noël pour nous accueillir, mais une bonne ambiance, et la courtoisie de nous avoir attendus quelques minutes sans même nous le faire remarquer. Et le CAFE EST GRATUIT. On est toujours agréablement surpris par cette annonce quasi-systématique à chaque rencontre dans la poule Nord de N2, nous qui avons pour coutume d’offrir la bière et de faire payer le café à la machine. Chacun se concentre comme il veut après tout.
Pas de renforcements majeurs dans l’équipe adverse, si ce n’est qu’elle se présente sous son meilleur jour depuis le début de la saison. Ce qui veut dire qu’on est favoris pour la première fois cette année ! Chez nous que du classique, sans Manouk ni Marianne mais avec Alban et Nahid, en attendant peut-être le retour de quelques-uns en janvier. Le capitaine a la pression, il joue contre des amis, et il n’aimerait pas se faire vanner par Triger Meister à la fin du match.On est un peu en retard, mais il faut bien se mettre à jouer. Allez go. Au premier, Mike reprend ses droits et a les blancs contre Berthier. Pour nous mettre en confiance, il nous confie peu de temps avant la partie qu’il ne sait pas ce qu’il faut jouer après e4 avec les blancs. Tous les membres de l’équipe se concertent pour lui proposer des solutions toutes plus innovantes les unes que les autres telles l’italienne ou l’espagnole, mais Mike n’a cure de ces recommandations, lui qui n’aime pas marcher sur les routes balisées. Secrètement, il rêve de cette position :
Eh oui, la tchigorine en premier… Déjà qu’en second ça gagne, imaginez la boucherie en premier. Malheureusement, c’est pas en jouant e4 qu’il va y arriver. Il choisit donc un début un peu rampant, sans grande ambition, mais conservant suffisamment de pièces pour s’assurer d’avoir du jeu. Les noirs ont beau égaliser en un temps record, on se dit que Mike réussira bien à leur poser quelques problèmes.
Au 2
e, je joue contre Rano. C’est marrant, j’ai l’impression de jouer mon double. On joue exactement la même variante donc ça débite jusqu’au 15
e coup. La position est extrêmement fermée et un ballet de pièces commence. Mes pièces se massent tranquillement à l’aile roi, alors que les siennes font des va-et-vient sans trop savoir sur quel pied danser. Faut-il se protéger ou attaquer à l’aile dame ? Finalement il choisit la deuxième option, et la tension monte…
Derrière nous, c’est fort, très fort. L’artillerie lourde. On a aligné notre duo de panzers alsaciens, chargés à bloc, prêts à fondre sur l’ennemi.
Au 3, la Lame joue g4 très tôt et attaque directement la jugulaire de son adversaire. Roques opposés, lignes ouvertes sur le roi noir, avance de développement, rapidement un pion d’avance, sale histoire. On se demande si les noirs passeront l’hiver, on suppose un gain rapide.
Derrière, Gammon a de nouveau les noirs, contre Triger Meister. Dans une sorte de Trompovsky/Benko/je-sais-pas-trop-quoi, les deux camps sacrifient des pions que l’autre ne prend pas. Fin stratège, Gammon fait rapidement le siège du pion d5, qui ne peut pas être défendu par les blancs. Ceux-ci l’abandonnent alors au profit du juteux pion b5, ce que les noirs refusent ! Comme souvent, le salut des noirs dans cette position devenue très resserrée passe par f5. Un coup affaiblissant pour les deux camps qui conduit à une position assez incompréhensible (« C’est pas simple » comme dirait le capitaine, d’un ton expert) où on se demandera à plusieurs reprises qui a l’avantage. C’est justement le moment que choisissent les blancs pour proposer la nulle. Quel aveu de faiblesse ! Les noirs, trop contents d’avoir pris l’ascendant psychologique, refusent fièrement et prolongent le combat. Pas trop longtemps cela dit, le temps de dégrader leur position afin de se retrouver légèrement moins bien et de proposer à leur tour nulle. C’en est trop. Regardant leur position avec autant de circonspection qu’un indien d’Amazonie dans les mains duquel on aurait placé un iPhone sans batterie, les deux joueurs décident d’enterrer la hache de guerre avant le zeit not.
J’en arrive donc à la recrue star de la saison, El Salaaaaapado. Aligné au 5
e échiquier, avec son style inimitable, il tente de pêcher en eaux troubles dès le…2
e coup. Dans la sicilienne. Oui monsieur. Seulement cette fois il tombe sur un adversaire qui ne panique pas et ne tombe pas dans toutes les salapades tendues par notre partenaire. Après avoir regroupé toutes leurs forces, les noirs concrétisent leur bonne position par le gain d’un pion. Et c’est là que la fête commence… Il n’y a personne de plus sournois qu’El Salapado lorsqu’il est au pied du mur. Tout d’abord, leçon numéro 1, quand on donne un pion on le donne bien. On affaiblit l’adversaire, on double le pion d’avance, et on regroupe ses forces. Leçon numéro 2, on le fait tourner en bourrique. Pas d’erreurs, s’il veut le point, il faudra venir le chercher. El Salapado tourne, n’offre pas de points d’impacts, et harcèle le roi noir sans relâche comme un concierge toquant aux portes des copropriétaires le jour des étrennes.
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Et dans la position suivante, l’incroyable se produit. Toujours très précis, après une série de 63 échecs que je vous épargnerai, les blancs jouent h3 !!! Le sourire en coin, El Salapado attend alors, tapi dans l’ombre, le coup que jouera son adversaire. Il est mûr, il le sait, il attend simplement que le fruit tombe… Et le fruit tomba. Td7. Sans attendre Df8, les noirs abandonnent !!!
A côté, Alban affronte un adversaire qu’il connaît bien. Il a les noirs et son début de partie sent bon le recueil du tournoi de Zurich 53. Nous voici replongés dans les grandes lignes de la nimzo, avec une position que visiblement les noirs comprennent mieux que les blancs. Alban laisse tranquillement son adversaire commettre quelques imprécisions, et finit par gagner un pion dans le milieu de jeu, presque sans forcer. La finale s’annonce relativement tranquille, même s’il faut se méfier des finales de tours.
Au 7, cap’tain Vince a pris les blancs pour une fois. Dans une ouverture qu’il maîtrise bien, il prend rapidement l’avantage. C’est toujours bon pour le moral des troupes, et pour le moral du capitaine. Seulement, après s’être assuré que tout le monde était rassuré par sa prestation, Vince décide de ne pas planter une combinaison que Zinser n’aurait même pas accepté en catégorie 1 étoile. Mauvais joueur, son adversaire ne laisse pas une deuxième chance à Vince, qui doit se contenter d’une position relativement égale. Ce sera donc une deuxième nulle pour l’équipe.
Enfin Nahid, qui a remplacé au pied levé Marianne, a fort à faire au 8e échiquier. Elle affronte une adversaire classée plus de 1800, soit bien au-dessus de son classement. Dans une sorte de variante Panov de la Caro-Kan, les blancs poussent c5 dans de très bonnes conditions et contraignent les noirs à la passivité pour toute la partie. Avec un (très) mauvais fou et un poney emmuré face à la paire de fous blanches et l’avantage d’espace des blancs, la position noire fait peine à voir, mais Nahid va se défendre fièrement.
Pendant ce temps-là, Panzer Stahl s’embourbe. Alors qu’il venait de rouler sur les noirs, voilà qu’ils se rebiffent et tentent une guérilla. La dame noire s’infiltre et menace des perpétuels à tout va. Avec son pion d’avance, c’est même la Lame qui doit se méfier. Heureusement, le zeit not va passer par là. Alors qu’il joue avec 1 minute à la pendule depuis le 25e coup, Stahl se fait rattraper au temps par son adversaire qui panique après avoir fait le plus dur. Il n’en faut pas plus à notre partenaire pour coordonner ses forces et après avoir survécu aux rafles grâces à ses pièces très mobiles, il finit par percer la cuirasse sur la colonne D. La fumée retombe, et les blancs sont en finale de tour avec 2 pions d’avance. 1-0.
De son côté, Mike nous a joué son tour habituel. Une position peu orthodoxe, qu’il comprend mieux que son adversaire. Dans la position ci-dessous
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Mike joue Th5 ! Pas de point d’exclamation selon l’ordinateur, mais on salue le panache du joueur. La tour n’a qu’un seul objectif, mais il est clair. Soit elle se sacrifiera en h6, soit elle délivrera le mat sur la colonne H. Après ça, le plan est limpide et la case f5 clignote comme un sapin de noël. Un cavalier en f5, un sacrifice en h6, et les vannes s’ouvrent, la bête s'affole. Après un dernier sursaut d’orgueil, les noirs arrêtent le massacre… Là, tout doux… C’est terminé, tout va bien…
Derrière, Alban est solide. Il rend un pion pour en gagner un autre, et progresse lentement mais sûrement dans sa finale de tours. Pas d’erreurs, pas de précipitation, du Alban des grands soirs. |
Il ne reste plus que ma partie et celle de Nahid. Après avoir eu le sentiment de laisser filer quelque chose dans le milieu de jeu, je décide de pousser une finale de fous de couleurs opposées avec un très léger avantage. Hélas, la position est tellement fermée que ce petit avantage ne suffira pas, et je dois me résoudre au partage du point.
Nahid résistera longtemps dans une position plus que compromise, hésitant de son propre aveu entre la défense et la recherche de contre jeu. Hélas, dans une position pareille, le mieux est encore d’attendre patiemment que l’adversaire force la position. En ouvrant un peu les lignes, Nahid finit par se faire submerger par les forces blanches et doit abandonner le champ de bataille.
Au final, une victoire très propre 4 à 1, qui permet de passer les vacances confortablement installés sur la troisième marche du podium.
Joyeuses fêtes tout le monde, on se retrouve début janvier, avec Côté viande. Ça va saigner.