"Ma bataille" ou un locataire pas comme les autres.
J'ai terminé de récurer mon appartement de fond en comble,
murs nettoyés au vinaigre d'alcool pour effacer les taches sournoises, plan de
travail décrassé à l'éponge côté grattoir, sol lustré à la cire d'abeille et
vitres lavées à la raclette... Sur le frigo, j'ai eu à peine le temps de coller
à la hâte un échéancier de paiement de loyers comme demandé. On peut y lire un
protocole de paiement complexe mais clair avec des versements tous les 15 du
mois alimentés alternativement en liquide ou par virement automatique de
manière différenciée sur le compte d'Irène ou le mien.
C'est qu'il m'a vendu son intégrité et son sérieux de
manière très persuasive mon locataire. ...J'ai envie d'être à la hauteur de ses
engagements et je me retrouve financièrement étroitement lié à lui eu égard à
ma décision dispendieuse de migration sur Paris.
Nice le 29/07/2019
Je fus un peu surpris qu'il s'y reprenne à trois fois pour
me régler le premier mois de loyer, récupérant le pécule in extremis la veille
du roulage... Certainement un faux départ me disais-je naïvement...
Le deuxième mois ne fut pas payé dans sa totalité non sans
provoquer chez moi une légère contrariété.
Le mois de décembre ressembla à une chasse aux trésors et après
moult péripéties et faux indices, je récupérais l’entièreté du terme quelques
heures à peine avant le basculement dans la nouvelle année. Tout vient à point
à qui sait attendre, quelques liquidités pour réveillonner pensais-je…
Si la fin d'année avait été un peu chaotique, le début était
clairement une marmelade cataclysmique! Par un beau matin de ma vie parisienne
je reçus un coup de fil du syndic m'apprenant qu'une fête avec de graves
débordements avait vraisemblablement eu lieu dans l'appartement...
L'interlocuteur était désolé mais pas autant que moi. Les protagonistes sous
l'emprise de drogues psychotropes s'étaient dans une forme de démence
collective et dans un entre-soi jubilatoire, toutes énergies animales libérées.
Ils s'étaient mis disais-je... à uriner par le balcon sur les balustrades et
jardinières des étages du dessous, faisant fi toute la soirée durant des
plaintes du voisinage, en les couvrant d'insultes. La fine équipe! Après une
brève enquête, j'appris que mon locataire « ma bataille » avait
malencontreusement laissé les clefs à son grand fils...Sympa comme un canard
sous LSD, le fiston ! Je n’eus point d'autre récompense sur le mois à mon grand
désarroi.
En février, suite à un coup de hache qui n'atteignit sa
cible qu'avec le manche, « ma bataille » eut les côtes fêlées...C'est ballot,
d'autant que cela retarda considérablement le traitement du solde mensuel.
Février fut un mois particulièrement dense pour « ma bataille », il eut toutes
les peines du monde à mobiliser des solutions pour le fermage mensuel. Son
deuxième fils ayant été pris par la patrouille dans une rixe urbaine, condamné
à de la prison ferme, « ma bataille » se retrouvait à devoir avancer les frais
d'avocats... C'est ballot d'autant plus que mars arrivait à grand pas...
Ne comprenant pas pourquoi je n'avais aucune nouvelle de «
ma bataille » au 15 du mois, Irène furibonde reprit le dossier avec fracas.
Elle obtint immédiatement l'assurance d'un virement du montant du louage au
lendemain. Évidemment il n'en fut rien. Un peu naïve, elle aussi, sur le coup.
Il s’acquitta néanmoins (ne jetons pas la pierre) de la moitié du terme et en
profita pour annoncer évidemment sans aucun préavis son intention de quitter
l'appartement prétextant qu'il n'y arrivait plus !! Ma perle locative se
rendait à l'évidence, mieux vaut tard que jamais me direz-vous. Il me reste le
sentiment, que tous les mois du monde n'auraient pas suffit pour qu'il soit, ne
serait-ce qu'une fois, à la hauteur de lui- même.
Peut importe, en avril ne te découvre pas d'un fil et reste
confiné chez toi sans le lourd fardeau d'un loyer encombrant. Une exemption
bienveillante. Si l'expérience locative ne joue pas en sa faveur, elle ne me
dispense surtout pas d'exemplarité.
« Ma bataille » (heureuse) ne connaît pas la
culpabilisation, épargner sa conscience, c'est rester insouciant, léger, c'est
maintenir aussi un système immunitaire solide.
Et à l'aune des
problèmes qui jalonnent continuellement
sa vie, mieux vaut avoir une bonne santé pour traverser la bataille sanitaire
qui nous habite !
Pour la Santa Capelina, je récupérerai les clefs de mon
logement, mon locataire partira sous d'autres cieux mener de nouvelles «
grandes » batailles que je lui souhaite plus glorieuses.
Charlie Gacôgne. avril 2020
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